Les concepts intellectuels mésopotamiens

L’ÉCRITURE CUNÉIFORME

Datée du 5ème millénaire ajc on découvrit, à Uruk, une tablette d’argile sur laquelle des marques imprimées avec la pointe d’un roseau (calame) indiquaient la quantité des produits tandis qu’un dessin en précisait la nature. Cette séparation entre les signes quantitatifs et ceux précisant la nature du produit évolua vers les mathématiques d’un côté et l’écriture de l’autre.





Dans la colonne N° 1, du tableau ci-dessus, sont reproduits quelques exemples d’écriture pictographiques datés de 4.000 ans ajc.   On y remarque que les dessins stylisés étaient formés de droites et de courbes. Ils ne représentaient pas une langue mais les mots correspondants à des objets. Les plus vielles tablettes ne constituaient pas des textes mais des aide-mémoire.

Vers 3.300 ans ajc, les scribes associèrent plusieurs dessins pour exprimer une action ou une idée complexe :

  • une tête humaine avec une bouche signifiait l’action de parler ;
  • -une tête associée à l’eau correspondait au verbe boire ; -un pied pouvait correspondre à marcher ou se tenir debout ;
  • une montagne désignait aussi bien l’étranger, l’ennemi que l’esclave.

L’écriture se faisait verticalement, de haut en bas, commençant à droite de la tablette. Ce système employé sur l’argile humide présentait un inconvénient : la main en se déplaçant vers la gauche pour tracer un nouveau pictogramme, risquait d’effacer les précédents. Aussi les scribes, pour obtenir une écriture plus rapide et plus lisible, quelques siècles plus tard, dessinaient les pictogrammes couchés et alignés de gauche à droite (colonne 2 et 3). L’écriture comportait alors plus de 2.000 pictogrammes isolés ou composés, ce qui explique que les scribes de cette époque aient constitué des listes de mots qui furent de véritables lexiques, sortes de dictionnaires succincts.

Vers l’an 3.000 AJC, les scribes remplacèrent les courbes et les droites de leurs pictogrammes par les marques d’un stylet à l’extrémité triangulaire. L’écriture cunéiforme était née. Mais ce procédé conduisit à une stylisation qui transforma les pictogrammes en signes arbitraires que l’on peut qualifier d’idéogrammes, comme on le constate dans les colonnes 4 et 5.

Vers 2.500 ajc, l’écriture sumérienne connut une nouvelle évolution lorsque les scribes eurent l’idée d’utiliser les idéogrammes pour leur valeur phonétique de la chose symbolisée, suivant le principe du rébus. Dès lors, le sumérien disposait d’une écriture composée :

- d’idéogrammes : pictogramme avec un sens visible ; suggéré ou arbitraire
- de phonogrammes : pictogrammes dont ils lisaient le mot correspondant pour n’en retenir que le son ; par exemple, pour écrire le mot “vie” qui, dans leur langue, se prononçait “ti”, ils dessinaient une flèche qui se disait également “ti”
- des déterminatifs : pictogrammes qu’ils plaçait devant les substantifs pour indiquer une catégorie d’être ou de choses ; par exemple, une étoile placée devant un nom propre précisait qu’il s’agissait d’un dieu.

En 2.375 ajc les Akkadiens qui s’étaient rendus maître de la Mésopotamie, imposèrent leur langue sémitique aux Sumériens de sorte que les symboles cunéiformes servirent alors à écriture d’une langue dont elle ne rendait qu’approximativement la phonétique C’est à cette époque que les lexiques sumériens furent doublés d’une colonne parallèle au texte pour donner son équivalent en akkadien.

On retrouva également une sorte d’encyclopédie énumérant toutes les plantes, tous les animaux, toutes les pierres, tous les objets usuels… comportant plus de dix mille rubriques.

Au cours du dernier millénaire ajc la langue akkadienne rayonna du pays des Alamites en Asie Mineur jusqu’en Egypte. On a retrouvé des tablettes cunéiformes dans toutes les cités du Moyen-orient.

LA NUMERATION

Les mathématiques babyloniennes étaient pratiquées par les peuples de l'ancienne Mésopotamie depuis l'époque des Sumériens 3500 ans AJC jusqu'à la chute de Babylone en 539 AJC.

Les Chiffres

Dès le début du IIe siècle AJC un système numérique s'impose pour répondre aux besoins du commerce.

les soixante chiffres du système sexagésimal Babylonien


• Le 1 et le 10.

1 et 10

• 19 s'écrivait : 1 chevron + 9 clous.

L'écriture Babylonienne est positionnelle c'est à dire que l'emplacement d'un chiffre déterminait sa valeur. Cela résulte d'un raisonnement normal. Notre système décimale (10) qui comporte 9 unités et un zéro est lui-même positionnel : il faut imaginer que chaque chiffre d'un nombre est écrit dans une suite de colonnes ayant respectivement chacune une valeur : successivement de gauche à droite : 10.000, 1.000,100, 10 unités. Prenons l'exemple du nombre 7804 :

Le 7 indique combien de fois il y a (1000) unités dans 7804

Le 8 indique combien de fois il y a (100) unités dan 804

Le 0 indique qu'il n'y a pas d'unité dans la colonne des dizaines

Le 4 indique le nombre d'unités.

XXXXXXXXXXXXXXX

L'écriture Babylonienne des nombres comme la notre est positionnelle mais elle est sexagésimale.

Elle compte 60 unité de 1 à 59 (5 chevrons + 9 clous) plus un signe qui remplace un vide.
C'est le plus vieux zéro de l’histoire.

Chaque colonne a successivement les valeurs 3600 (60x60) unités, 60 unités, et les unités

3600 | 60 | U __________ 3600 x 2 = 7200 _______ 7804 – 7200 = 10 x 60 + 4

7804 s'écrit

3600 x 2 = 7200

7804 – 7200 = 10 x 60 + 4

9038 s'écrit | | | , soit 2[×3600] + 30[×60] + 38

représente le nombre (12 x 60) + 3 = 723

La numérotation sexagésimale : les Sumériens avaient opté pour la base 60, groupant les choses par soixantaines et puissances de soixante, alors que les Chaldéos-assyriens utilisaient une numérotation décimale d'origine Akkadienne.
Des soixante chiffres du système sexagésimal, les Babyloniens en employaient 59 à l'exception du zéro. Ces chiffres étaient notés à l'aide d'un système additif décimal : un clou 1pour l'unité et un chevron 10pour la dizaine. Ainsi, tout chiffre de leur système sexagésimal pouvait s'écrire avec au plus cinq chevrons et neuf clous.

Nous ne saurons probablement jamais pourquoi les sumériens ont choisi le nombre 60 comme base. Un avantage possible de ce système est que le nombre 60 est divisible par beaucoup de facteurs, en particulier 2, 3, 4, 5, 6 et 10. C’est en fait le plus petit nombre divisible par tous les entiers de 1 à 6. Cette propriété pouvait fournir plus de flexibilité que la base 10 pour subdiviser des mesures en fractions égales. Ce système permet en tout cas d’exprimer de grands nombres en utilisant peu de symboles, ce qui aura facilité le développement des mesures et calculs.

Mathématiques :

Les premières traces d'écrits mathématiques remontent aux anciens Sumériens, qui développèrent la première civilisation de Mésopotamie. Ils mirent au point une métrologie élaborée dès 3000 ajc. À partir de 2600 ajc, ils dressent des tables de multiplication sur des tablettes d'argile] et mettent par écrit des énoncés de problèmes géométriques et de division. C'est aussi de cette période que datent les premiers témoignages de numération babylonienne

On remarque qu'ils avaient inventé le zéro, non dans leurs calculs, mais simplement pour exprimer l'absence d'une unité dans l'ordre des chiffres d'un nombre.

Plus récemment vers 1800 à 1600 ajc, les Babyloniens utilisaient massivement les tables numériques pour le calcul et la résolution de problèmes d'arithmétique. Par exemple des tables de multiplications et des listes d’inverses des nombres, des listes des carrés d’entiers jusqu'à 59 et de cubes jusqu’à 32. Les Babyloniens s'en servaient pour effectuer les multiplications. Une tablette fournit une approximation de √2 précise à six décimales près.

Les Babyloniens ne posaient pas de division. Ce genre de calcul, se ramenait au produit du dividende par l’inverse du diviseur


\dfrac{a}{b} = a \times \dfrac{1}{b}


Les Babyloniens résolvaient les équations algébriques du premier, second et  troisième degré, le calculs d'hypoténuse. Peut-être, certaines lignes trigonométriques.

Géométrie

Il est possible que les Babyloniens aient disposé de règles générales pour calculer la surface et le volume de certaines figures géométriques. Ils calculaient la circonférence du cercle en prenant trois fois le diamètre, et la surface du cercle en prenant un douzième du carré de la circonférence. Le volume d'un cylindre était calculé en formant le produit de sa base par sa hauteur ; par contre, le calcul du volume du cône tronqué ou de la pyramide à base carrée était incorrect : les Babyloniens connaissaient le théorème de Pythagore en tant que formule, sans que l'on ait trace d'une démonstration en tant que telle. On a découvert récemment une tablette où l'on prend pour π la valeur 3 + 1/8.

Les Babyloniens mesuraient les distances en utilisant le mille babylonien, représentant environ 10 km. Cette unité de mesure avait un équivalent horaire, ce qui permettait de convertir les positions du Soleil dans le ciel en heure du jour.

Trigonométrie

Si les anciens Babyloniens connaissaient depuis des siècles l’égalité des rapports entre les côtés de triangles semblables, le concept d’angle leur était étranger : aussi se ramenaient-ils à des considérations sur les longueurs des côtés.

Le calendrier

Les Assyrien dès le XIX ème siècle ajc et les Sumériens vers 2.700 ans ajc utilisaient une année de 12 mois de 30 jours (360 jours) avec des mois intercalaires pour compenser la dérive par rapport à l'année solaire. Cette façon de compter disparu vers 1100 ajc au profit du calendrier luni-solaire de Babylone dans lequel les mois étaient lunaires et les années solaires.

Les astronomes babyloniens établirent un calendrier luni-solaire, basé à la fois sur le mouvement apparent de la Lune et celui du Soleil. A la base, l'année est formée de 12 mois lunaires, le mois ayant une longueur variable de 29 ou 30 jours. Evidemment, comme l'année réelle basée sur le mouvement du Soleil est un peu plus longue que 12 mois lunaires, ce système de base se serait lentement décalé avec le temps. Pour que le cycle des saisons reste fixe par rapport au calendrier, les babyloniens ajustent donc leur calendrier de base en intercalant un treizième mois lorsqu'ils le jugent nécessaire, environ tous les trois ans.

Durant cette même période, les astronomes commencent à prendre note de la date du premier lever de la planète Vénus comme « étoile » du soir et de son dernier coucher comme « étoile » du matin. La fameuse tablette Ammisaduqa, qui a survécu, nous fournit ces données sur une période de 21 ans. Les babyloniens se rendent compte que le mouvement de Vénus est périodique, c'est-à-dire se reproduit à l'identique après un certain intervalle. Ils réalisent aussi pour la première fois que l'étoile du matin et l'étoile du soir ne sont qu'un seul et même astre.

Avant le IIème millénaire, certaines cités avaient opté pour un début de l'année à l'équinoxe d'automne. Au IIème millénaire, le début de l'année fut fixé au lever héliaque de l'étoile Hounga (alpha du Bélier) soit à l'équinoxe du printemps. Le nouvel an babylonien fut donc le premier Nisanu.


Les mois et les jours :

Les babyloniens découpaient le jour qui commençait au coucher du soleil. en douze kaspu, divisé lui-même en 30 gesh.

Les Chaldéos-Assyriens concevaient la semaine de sept jours. Son origine serait due aux quatre phases de sept jours de la Lune. Chaque jour de la semaine était désigné par le nom d'une divinité "planétaire" associée : le Soleil (dimanche), la Lune (lundi), Mars (mardi) , Mercure (mercredi), Jupiter (jeudi), Venus (vendredi) et Saturne (samedi).

Au début la première semaine débutait le premier jour du mois. Il y avait donc quatre semaines : du 1 au 7, du 8 au 14, du 15 au 21 et du 22 au 28. Il restait donc un ou deux jours à la fin du mois qui étaient "hors toute semaine". Par la suite, la distribution fut continue.

Voici la liste des noms des mois dans les différents "Etats. chaque mois commençait quand le croissant de la lune nouvelle était observé et durait jusqu’à la nouvelle observation.


BABYLONE

SUMER

ASSYRIE

Nisanu

Bar-zag-ga

Mana

Ayaru

Gu-si-sa

Aiarum

Simanu

Sig-ga

Makranum

Duzu

Shu-nummun

Dumuzi

Abu

Ne-ne-gar

Abum

Ululu

Kin-Ninni

Tirum

Tashritu

Du

Niqmum

Arahsamnu

Apin-du-a

Kinunum

Kislimu

Gan-gan

Thamkhirum

Tebetu

Ziz

Nabrum

Shabatu

Ab-ba-e

Mamitum

Addaru

She-gur-ku

Adarum

Mesure du temps qui passe

Le gnomon mesure le temps qui s’écoule par rapport à l’ombre du Soleil. Il est constitué d’une tige plantée verticalement sur une surface plane. On observe l'ombre.

La clepsydre mesure le temps en toutes circonstances. Il est fait d’un récipient gradué dans lequel l'eau s'écoule.

Le polos est un instrument pour mesurer le temps par rapport à l’ombre du Soleil. Il est composé d'une demi-sphère creuse dont la concavité est tournée vers le ciel. L'ombre d'une bille, suspendue au-dessus de cette sphère et maintenue en son centre, se projette sur la surface interne de la demi-sphère. Le mouvement du Soleil peut ainsi être dessiné.

Astronomie

Elle s'inscrit essentiellement dans une démarche religieuse et divinatoire. Il ne s'agit pas tant de connaître les astres pour eux-mêmes, et de faire des spéculations sur leur nature, que d'en élucider les cycles, et d’en tirer des éléments susceptibles d'alimenter des prédictions.

Les astronomes mésopotamiens ne s'éloignaient pas de ce qui était directement observable. Ils s'intéressaient notamment à la durée du temps par rapport au déplacement des astres grâce à la comparaison d'observations cumulées sur plusieurs années.

Les premiers textes astrologiques encore en existence datent du début de l'ère babylonienne. Les prédictions sont alors basées sur la position de la Lune dans le ciel, en particulier sur sa position lors de l'apparition du premier croissant au début de chaque mois. Les prédictions de cette époque ne s'appliquent pas aux individus, mais plus généralement au futur du pays, à ses récoltes, à ses guerres ou ses épidémies.

Une fameuse série de tablettes de l'ère kassite (XVIe siècle AJC), montre une évolution vers des prédictions basées sur la position apparente des planètes dans le ciel, en particulier Vénus et Mars. Vénus est alors associée à Ishtar, la déesse de l'amour, et ses pérégrinations sont supposées permettre des prédictions sur l'amour et la fertilité. Par contre, la planète Mars est associée à Nergal, le dieu de la guerre et des enfers, et les prédictions se rapportent à des futurs conflits et guerres.

Une approche plus systématique de l'observation du ciel est décrite dans un ensemble de tablettes qui datent de l'époque assyrienne, vers l'an -1000, et ont survécu jusqu'à nos jours : les tablettes Mul Apin. Celles-ci classent les étoiles et constellations en trois groupes bien délimités et associés à trois dieux. Au Nord Enlil, le dieu du vent, le long de l'équateur céleste Anu, dieu du ciel, et au Sud Ea, dieu des eaux douces..

Sous l'empire néo-babylonien va s'établir un enregistrement plus détaillé, systématique et ininterrompu du mouvement de la lune, des éclipses, des conjonctions aves des étoiles brillantes, mais aussi d'évènements non astronomiques comme tremblements de terre, épidémies et niveau des eaux. Les astronomes babyloniens découvrent en particulier que le cycle des éclipses se répète tous les 18 ans (le cycle métonique).

Ces observations précises et continues vont permettre aux astronomes babyloniens de prédire à l'avance de nombreux mouvements et phénomènes, par exemple le déplacement quotidien de la lune par rapport aux étoiles, le moment où des éclipses peuvent se produire, ou bien l'intervalle de temps entre le lever et le coucher du soleil.